Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Le blog' de Gautier
23 juillet 2006

Carnet de lectures : quelques pages ici ou là...

Je continue la course entamée il y a peu et je tourne avec vous les pages de mes carnets de lectures...

..

« A l'automne d'il y a trois ans, notre arrivée à Tunis fut merveilleuse. C'était encore, bien que déjà très abîmée par les grands boulevards qui la traversent, une ville classique et belle, uniforme harmonieusement, dont les maisons blanchies semblaient s'illuminer au soir, intimement, comme des lampes d'albâtre. Sans_titreDès qu'on quittait le port français, on ne voyait plus un seul arbre ; on cherchait l'ombre dans les souks, ces grands marchés voûtés ou couverts d'étoffes et de planches ; ces souks paraissaient, souterraine, une seconde ville dans la ville. Du haut de la terrasse on ne voyait jusqu'à la mer qu'un escalier de blanches terrasses coupées de cours comme des fosses où s'étirait l'ennui des femmes. Au soir, tout le blanc était mauve et le ciel était couleur de rose thé ; au matin, le blanc devenait rose sur un ciel légèrement violet. J'ai regretté la blanche, sérieuse, classique Tunis de l'automne, qui me faisait penser, le soir, errant dans ses rues régulières, à l'Hélène du second Faust, ou à Psyché, "la lampe d'agate à la main", errant dans une allée de sépultures. On plante des arbres dans les rues larges et sur les places. Tunis en sera plus charmante, mais rien ne la pouvait autant défigurer. Il y a deux ans, la rue Marr, la place des Moutons étaient encore telles que l'on ne s'y savait où transporté, et que l'Orient le plus extrême, l'Afrique la plus secrète n'eussent pas eu, je crois, goût d'ÉTRANGE plus stupéfiant. tunis_marketUne forme de vie différente et que tout réalise au-dehors, très pleine, antique, classique, établie ; pas de compromis encore entre les civilisations de l'Orient et la nôtre qui paraît laide surtout quand elle veut réparer. Des plaques de tôle ou des feuilles de zinc remplacent peu à peu les claies de roseau, toitures des souks, et des réverbères répartissent par sursauts la lumière, sur les murs où naguère l'égale clarté des nuits s'épandait, sur cette Grand'Place des Moutons, sans trottoirs, silencieuse, merveilleuse, où, il y a deux ans, dans la tiédeur des nuits de pleine lune, auprès des troupeaux de chameaux, des Arabes venaient dormir. »

André GIDE, Amyntas.

Publicité
Publicité
Commentaires
Le blog' de Gautier
Publicité
Le blog' de Gautier
Derniers commentaires
Archives
Publicité