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Le blog' de Gautier
26 septembre 2006

Mémoire vivante du Séminaire des Carmes : Christian de Chergé

de_cherge_christianTibhirine (Algérie), mai 1996 : sept moines cisterciens sont assassinés ; à leur tête, le Père Christian de Chergé. Homme de paix engagé dans un dialogue audacieux entre chrétiens et musulmans, il offre un témoignage missionnaire emprunt de force et de simplicité. Homme de prière, sa profondeur spirituelle est révélée au grand public par la publication de son testament bouleversant (lire plus loin).

Formé quelques années au Séminaire des Carmes de Paris avant de rejoindre la Règle, Christian de Chergé imprègne la « maison » de son souvenir. Un « lieu de mémoire » - son ancienne chambre - a été aménagé par l’architecte Jean-Marie Dutilheul. Elle reçoit aujourd’hui des groupes et des particuliers qui y viennent comme en pèlerinage.

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- Le couloir menant à sa cellule, et sa cellule -

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Testament du Père Christian de Chergé :

"Quand un À-Dieu s’envisage…"

"S’il m’arrivait un jour - et cela pourrait être aujourd’hui - d’être victime du terrorisme qui semble vouloir englober maintenant tous les étrangers vivant en Algérie, j’aimerais que ma communauté, mon Eglise, ma famille, se souviennent que ma vie était donnée à tous et à ce pays.

Qu’ils acceptent que le Maître Unique de toute vie ne saurait être étranger à ce départ brutal.

Qu’ils prient pour moi : comment saurais-je trouver digne d’une telle offrande ?

Qu’ils sachent associer cette mort à tant d’autres aussi violentes laissées dans l’indifférence de l’anonymat.

Ma vie n’a pas plus de prix qu’une autre, elle n’en a pas moins non plus. En tout cas, elle n’a pas l’innocence de l’enfance. J’ai suffisamment vécu pour me savoir complice du mal qui semble, hélas, prévaloir dans le monde et même celui-là qui me frapperait aveuglément.

J’aimerais, le moment venu, avoir ce laps de lucidité qui me permettrait de solliciter le pardon de Dieu et celui de mes frères en humanité, en même temps que de pardonner de tout coeur à qui m’aurait atteint. Je ne saurais souhaiter une telle mort, il me parait important de le professer. Je ne vois pas, en effet, comment je pourrais me réjouir que ce peuple que j’aime soit indistinctement accusé de mon meurtre. C’est trop cher payé ce que l’on appellera, peut-être, "la grâce du martyre" que de le devoir à un algérien quel qu’il soit, surtout s’il dit agir en fidélité à ce qu’il croit être l’islam. Je sais le mépris dont on a pu entourer les algériens pris globalement.

Je sais aussi les caricatures de l’islam qu’encourage un certain islamisme. Il est trop facile de se donner bonne conscience en identifiant cette voie religieuse avec les intégrismes de ses extrémistes. L’Algérie et l’Islam, pour moi, c’est autre chose, c’est un corps et une âme. Je l’ai assez proclamé, je crois, au vu et au su de ce que j’en ai reçu, y retrouvant si souvent ce droit fil conducteur de l’Evangile appris aux genoux de ma mère, ma toute première Eglise, précisément en Algérie, et, déjà, dans le respect des croyants musulmans.

Ma mort, évidemment, paraîtra donner raison à ceux qui m’ont rapidement traité de naïf ou d’idéaliste : "Qu’il dise maintenant ce qu’il en pense !" Mais ceux-là doivent savoir que sera enfin libérée ma plus lancinante curiosité. Voilà que je pourrai, s’il plait à Dieu, plonger mon regard dans celui du Père, pour contempler avec Lui, les enfants de l’Islam tels qu’il les voit, tout illuminés de la Gloire du Christ, fruits de la Passion, investis par le don de l’Esprit, dont la joie secrète sera toujours d’établir la communion et de rétablir la ressemblance, en jouant avec les différences. Cette vie perdue, totalement mienne, et totalement leur, je rends grâce à Dieu qui semble l’avoir voulue tout entière pour cette JOIE-là, envers et malgré tout.

Dans ce MERCI, où tout est dit désormais de ma vie, je vous inclus bien sûr, amis d’hier et d’aujourd’hui, et vous amis d’ici, aux côtés de ma mère et de mon père, de mes sœurs et de mes frères et des leurs, centuple accordé comme il était promis !

Et toi aussi, l’ami de la dernière minute, qui n’auras pas su ce que tu faisais. Oui pour toi aussi, je le veux ce MERCI, et cet "à-Dieu" en-visagé de toi.

Et qu’il nous soit donné de nous retrouver, larrons heureux, en Paradis, s’il plait à Dieu, notre Père à tous deux. Amen."

Christian de Chergé, Tibhirine, décembre 1993.

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