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Le blog' de Gautier
10 octobre 2006

Vivre sa solitude

Bien chers Amis,

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Voilà un bon moment que je souhaitais vous partager un livre admirable, lu il y a quelques années maintenant : "Vivre sa solitude", par le P. Laurent Camiade.

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Avant de vous le communiquer et pour éviter une présentation par trop classique, j’attendais de son auteur l’autorisation de reproduire une interview publiée dans un magasine à la sortie du livre, qui, à mon sens, retranscrit très bien l’esprit de l’œuvre. L'autorisation acquise, je vous livre le tout.

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Je vous souhaite, de tout cœur, de découvrir ce livre.

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Fraternellement,

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Entretien réalisé par Sylvain Sismondi pour Paris Notre-Dame n°1043

Pourquoi la solitude est-elle une souffrance pour l'homme ?

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L'expérience commune, beaucoup de philosophes et la tradition judéo-chrétienne s'accordent pour reconnaître que l'homme n'est pas fait pour vivre seul, mais pour entrer en relation. Nombreux sont ceux qui reconnaissent, y compris dans notre société multiculturelle, que l'homme est fait pour aimer et être aimé. Dans la solitude, il y a donc, en tout premier lieu, un manque, une sorte de vide, d'inaccomplissement. La solitude ne suffit pas à l'homme. Elle ne le comble pas. « Il n'est pas bon que l'homme soit seul » (Gn 2,18).

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Comment peut-on vivre la solitude lorsqu'on est chrétien ?

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La première tentation devant la solitude est de la fuir, de se divertir ou de se plonger dans une relation fusionnelle avec un groupe, ou encore de se précipiter dans les bras de n'importe qui pour faire taire en soi le cri du vide. Mais l'espace creusé en nous par la solitude peut être une chance pour crier vers Dieu, pour réaliser qu'Il nous aime, qu'Il peut et veut nous combler. Pour un chrétien, vivre sa solitude, c'est regarder attentivement (« contempler », si vous préférez) la manière dont Jésus vit sa solitude, que ce soit au désert des tentations, sur les lieux isolés où il se retire souvent pour prier ou lorsque ses auditeurs ne le comprennent pas, ou enfin à l'agonie et sur la croix. On voit, alors, que chaque fois qu'il est seul, Jésus dit « Père ». Il invoque son Père, il parle de Lui, il se réfère à Lui. La présence du Père à ses côtés est le remède à sa solitude. Sans que cela le préserve de l'angoisse de l'agonie, Jésus jette toujours sa solitude dans les bras du Père. Lorsqu'on est chrétien, on cherche à suivre Jésus, qui nous a proposé une amitié indéfectible et, avec lui, on se tourne vers le Père.

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Dans votre ouvrage « Vivre sa solitude », il semble que liberté et solitude soient indissociables. Pourquoi ?

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Même si Dieu dit d'Adam « il est pas bon qu'il soit seul », Il n'en a pas moins commencé par le créer seul. Et Dieu n'est pas un apprenti sorcier. Quand il crée, il voit que « cela est bon ». Il y a donc une ambivalence de la solitude. Dans un épisode célèbre de l'Ancien Testament, on lit que « Jacob resta seul » (Gn 32,25). Et l'on découvre que cette solitude sera pour lui l'occasion de se battre avec lui-même (ou avec Dieu, ce qui, ici, revient au même) et finalement de se réconcilier avec son frère Ésaü.

Jacob, dans cette situation précise, manifeste la profondeur de l'expression « l'homme est à l'image de Dieu ». Il est seul comme Dieu est le « Seul ». Il est unique, mais cette unicité n'est pas close. Elle est ouverte, pour Dieu qui est aussi Trinité, sur la création. Et pour Jacob qui avait perdu le sens de sa propre unicité en se substituant à son frère Ésaü pour hériter de la bénédiction d'Isaac, sa solitude retrouvée -dans laquelle il est enfin béni pour lui-même (Gn 32,30)- lui donne la liberté de se réconcilier, d'entrer en communion. Ce n'est donc pas une liberté égocentrique qui dirait : « je suis seul donc je fais ce que je veux ». C'est la liberté d'être soi-même, donc un homme (ou une femme) de communion (et non de confusion). C'est la liberté d'aller volontairement vers les autres, de savoir en quoi on a besoin d'eux et comment les aimer généreusement.

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En quoi la solitude est-elle un lieu privilégié de rencontre avec Dieu ?

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On ne rencontre pas Dieu que dans la solitude, mais aussi à travers nos frères et toujours par le Christ, dont l'Église offre une palette de médiations fort riche. Pour autant, prendre conscience profondément de la transcendance de Dieu sera toujours une expérience personnelle. On ne peut comprendre le mystère de Dieu et se pénétrer de la réalité de sa présence que dans une solitude qui nous montre que nous ressemblons à Celui qui est « le Seul ». « Nous avons tout quitté pour te suivre » (Marc 10,22) disent les disciples à Jésus. N'est-ce pas le signe que pour suivre Jésus, il faut quitter, se détacher de bien des contacts, de bien des sécurités, et même de nos affections les plus intimes ? Non pas que les amitiés humaines nuisent à la connaissance de Dieu, mais pour être disciple de Jésus, il faut toujours aller plus loin et plus profond, comme lui. Et il est allé jusqu'à se détacher de sa propre vie (Cf. aussi Marc 10,28-30)

« Quitte ton pays » (Gn 12,1) disait déjà Dieu à Abraham. Si nous avons le cœur plein de toutes nos rencontres et nos activités, quelle place reste-t-il pour Dieu ? Il faut ce creux, cet Exode, pour que notre désir de Dieu ne soit pas étouffé.

Quelques renseignements sur l'auteur :

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Jegueris3Prêtre du diocèse d'Agen, le P. Laurent Camiade y est responsable du Service des vocations et exerce son ministère notamment auprès des jeunes. En plus d'un service paroissial général, il consacre une part de son temps à la réflexion philosophique et théologique, ainsi qu'à la formation des laïcs. Après des études scientifiques, il a obtenu une maîtrise de philosophie et un doctorat en théologie à l'Institut catholique de Toulouse.

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vivre_sa_solitude« Vivre sa solitude », Laurent Camiade, Ed. Parole et Silence, Paris, 2003, 16 €.

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