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Le blog' de Gautier
5 octobre 2006

Convers(at)ion... suite et fin

Chers Amis,

Je vous avais promis une suite des extraits de la Lettre à Jacques Maritain (1) par Jean Cocteau. Je ne vous abandonne pas plus longtemps dans l’attente – qui devait être insoutenable, je n’en doute pas – et vous livre la fin de ces passages que j’ai pieusement retranscrits dans mon carnet de lectures.

Fraternellement,

1.

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(1) Jean Cocteau, Lettre à Jacques Maritain, Stock, Paris, 1926.

***

Claudel m’écrit : « Comme à pas mal d’entre nous, la période d’acclimatation du nouvel homme peut vous être assez désagréable ». Je lui réponds que j’ai la courte honte de marcher sur la robe de la Sainte Vierge, à chaque pas.

(…)

J’étais à ce point seul, plaqué, désemparé, qu’un de mes amis, un juif, afin de me rejoindre, demanda la grâce de la conversion. (Il fut baptisé dans votre chapelle le 29 août [et il entra en janvier au Séminaire des Carmes.].)

p. 40-41.

***

"Jeunes hommes avides, croyez-moi. Il n’existe que deux manières de gagner la partie : jouer cœur ou tricher. Tricher est difficile. Un tricheur pris est battu. La grande race des fripouilles, on ne l’attrape jamais ; ce sont les hommes au pouvoir, les ministres, les peintres, les poètes, les romanciers, les musiciens, les comédiens illustres. Je les admire. Comment admirerais-je une fripouille mise au bagne ? Elle a manqué son coup.

Jouer cœur est simple. Il faut en avoir, voilà tout. Vous vous croyez sans cœur. Vous regardez mal vos cartes. Votre cœur se cache par crainte du ridicule et par obéissance à un vieux code criminel : « Voici venir le temps des assassins. » Montrez votre cœur et vous gagnerez. Voici venir le temps de l’amour."

p. 42-43.

***

"L’art d’après l’art ! L’amour d’après l’amour ! C’est ôter le sel des cieux. Croyez-vous que Notre-Seigneur cherche à faire parler de lui ? Il ne demande pas à être recopié. Dieu ne saurait être déifié sans ridicule. Il aime être vécu. Les langues mortes sont mortes. Il faut le traduire dans toutes les langues vivantes et l’aider à se cacher pour faire le bien comme le démon se cache pour faire le mal.

Je regarde la mer, le ciel, les astres, tout ce solide où notre petitesse nous fait voir des espaces illimités. Nous habitons un objet chez Dieu. La merveille est s’il s’occupe du moindre détail d’un des atomes dont le fourmillement compose la matière de cet objet-là.

Mais s’il nous compte, s’il compte nos cheveux, il compte les syllabes des poèmes. Tout est à lui, tout est de lui. Il est l’audace type. Il a essuyé les pires insultes. Il ne demande pas d’art religieux ni d’art catholique. Nous sommes ses poètes, ses peintres, ses photographes, ses musiciens."

p. 47-48.

***

"La place où l’extrême droite et l’extrême gauche se touchent reste à prendre. Existe-t-il un programme plus excitant, plus scabreux que suivre le Christianisme au pied de la lettre ?"

p. 58.

***

"Notre époque est infestée de dadais à lunettes d’écaille qui fréquentent les coulisses de l’audace, parlent fort et jugent tout. Je les entends déjà dire : « A quoi cette lettre avance-t-elle ? »

Place au merveilleux, jeunes drôles ! C’est une lettre d’amour. Le Coq et l’Arlequin était un livre d’amour. Il naissait de la fatigue de mes oreilles comme cette lettre est née d’une fatigue de mon âme. Il pouvait réussir ou ne pas réussir. Faire la musique dont il parle dépendait des musiciens ; ils l’ont faite. Déniaiser le cœur regarde les poètes. Les soutenir est votre rôle, mon cher Jacques. Je n’ai, moi, que la force de crier : « Rien ne va plus. »"

J.

Villefranche, octobre 1925.

p. 60.

***

"L’Eglise qui attire le monde, c’est une bonne farce. J’aime ce sacristain de Villefranche qui me chasse de l’église à six heures, parce qu’on ferme. Il agite ses clefs, il m’interpelle d’un bout à l’autre de la nef, il m’engueule parce que je ne sors pas assez vite. N’oublions pas que Max Jacob chercha six ans un prêtre qui voulût l’entendre. Il est admirable de voir l’Eglise si sûre d’elle, si profondément, dialectiquement construite, si peu soucieuse d’attirer ou de retenir les âmes."

Note 7, p. 64.

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