Rencontres avec Jacques AUDIARD

10 septembre 2006

Dans le vaste choix qu'offre la DVDthèque du séminaire, je suis tombé sur 2 perles. Bien sûr, elles ne sont pas sorties hier. Bien sûr, il y a de grandes chances pour que vous les ayez déjà vues. Et bien sûr, j'étais jusque là passé à côté. "Un héros très discret" et "De battre mon coeur s'est arrêté", tous les deux de Jacques Audiard.

"Un héros très discret"

Drame de 2003 (101 min), réalisé par Jacques Audiard avec Mathieu Kassowitz, Sandrine Kimberlain, Albert Dupontel, Anouk Grinberg et Jean-Louis Trintignant.

Albert Dehousse est un enfant timide et solitaire, élevé par sa mère dans une ville du nord et dans le culte d’un père qu’il n’a pas connu. Sa vie se conjugue au passé, dans les livres d'aventure qu'il lit en cachette. Après un mariage plus que banal, il décide, en 1944, de tout plaquer, et se rend à Paris, à la fin d'une guerre qu'il n'a pas vu passer. C'est là que, grâce aux circonstances, il commence à s'inventer méticuleusement un passé de résistant, en collectant une foule d'informations au travers de lectures et de rencontres. Albert Dehousse ne tarde pas à devenir célèbre…

En adaptant à l'écran un roman de Jean-François Deniau, Jacques Audiard signe un film à la mise en scène intelligente. "J'ai toujours trouvé que la vraie vie était insupportable, les vies les plus belles sont celles qu'on invente". Ces quelques mots prononcés par Jean-Louis Trintignant, servent de prologue à l'histoire d'un faussaire hors du commun, un mythomane de génie, Albert Dehousse. C'est l'ascension de cet homme ordinaire au sein d'une période trouble et confuse, que le réalisateur et scénariste construit admirablement, en ponctuant son récit d'interviews et d'images d'archives qui renforcent la crédibilité du récit, en naviguant le long de la frontière floue qui sépare la mystification de la réalité.

Rythmé par un quatuor à cordes, la mise en scène inventive détaille brillamment les mécanismes subtils de l'entrée de Dehousse dans les cercles très fermés du milieu des anciens résistants, puis son accès au ministère, faisant de ce film une réalisation admirable, servie par l'interprétation simple de Mathieu Kassovitz, confondant de naturel. Un sans faute pour un film magnifique.

"De battre mon cœur s’est arrêté"

Drame de 2005 (107 min), réalisé par Jacques Audiard avec Romain Duris, Aure Atika, Emmanuelle Devos.

Un jeune homme, Tom, soumis au chantage affectif incessant et à la perversité morale de son père vit dans l'univers violent de ce dernier. Jusqu'à ce que, chargé de la douleur de sa disparition précoce, l'univers de sa mère lui revienne par le biais du piano. C'est l'histoire d'une réminiscence salvatrice, d'une rédemption.

« De battre mon coeur s'est arrêté » reprend par quelques aspects les motifs du précédent film. Constamment en porte-à-faux vis-à-vis de l'attente de ses proches, Tom est un lointain cousin de l'affabulateur d' « Un héros très discret ». Reprendre sa vie à zéro. Faire du passé table rase. S'affranchir d'un père trop pesant... Difficile de ne pas établir un parallèle avec la propre destinée du cinéaste aux prises lui aussi avec un héritage paternel encombrant. Car oui, je ne l’avais pas précisé mais vous aurez sans doute fait le lien : Jacques est le fils de Michel. Dès les premières scènes, on retrouve ce qui fait la marque d'un grand metteur en scène : cette capacité à embarquer le spectateur dans le tumulte de la vie, à saisir les contradictions des êtres et les petits moments de calme qui précèdent les grandes tempêtes. En quelques plan-séquences pris sur le vif, Jacques Audiard nous dévoile le milieu corrompu de l'immobilier, les petites magouilles entre amis, la férocité des relations humaines.